akimi yoshida, chroniques, manga

Kawa Yori mo Nagaku Yuruyaka ni

Kawa-Yori-mo-Nagaku-Yuruyaka-ni-vol01Kawa Yori mo Nagaku Yuruyaka ni (河よりも長くゆるやかに) est une série de deux volumes écrite en 1983 par Akimi Yoshida (Banana Fish) et prépubliée dans le magazine Petit Flower de l’éditeur Shogakukan. Ce manga reste à ce jour inédit, même en chinois, je l’ai donc lu en scans, traduit en anglais par Hotcakes. La traduction littérale du titre est « Longer and Slower than a river », et qui pourrait signifier en français « La vie est un long fleuve tranquille ». Kawa Yori… a été réédité dans les années 90 au format bunko, en un seul volume. Tout comme Lovers’ Kiss et Sakura No Sono, Kawa Yori… s’intéresse à l’adolescence.

Le quotidien de Toshikuni Noshiro, dit Toshi, est celui d’un adolescent banal ou presque. Inscrit dans un lycée exclusivement masculin, il se rend en cours sans passion et aime traîner avec ses potes Miyuki Kubota et Akio Kanda, un peu glandeurs sur les bords et véritables obsédés toujours à l’affût d’une bonne érection. Mais Toshi vit seul avec sa soeur aînée Ikuyo, et travaille de nuit comme barman dans un établissement fréquenté par les Américains, et dans lequel se produisent des spectacles de travestis. Ikuyo, elle, y travaille comme hôtesse. L’histoire se déroule dans le Sud du Japon, sans doute à Okinawa, où des bases américaines se trouvent encore (à l’instar de Next Stop de Atsushi Kamijo). Il arrive aussi à Toshi de faire du trafic de canabis dans son lycée, et de ramener des filles japonaises aux soirées d’Américains de sa connaissance. Enfin, il a une petite amie du nom de Midori, suscitant régulièrement la jalousie de ses amis (quant à des relations sexuelles possibles!).

Kawa-Yori-mo-Nagaku-Yuruyaka-ni-vol02Dans cette série, Akimi Yoshida aborde l’adolescence exclusivement masculine au travers de Toshi mais aussi son ami Kubota. Les blagues fusent et l’ambiance est souvent légère et insouciante, comme l’est la jeunesse, du moins en surface. L’humour y est très gras, ce qui surprend le lecteur au début, avec des adolescents aux hormones en pleine ébullition, parlant très fréquemment d’érection et de masturbation tout au long du manga, en pleine salle de cours. Dans un chapitre, un des amis de Toshi va même jusqu’à se masturber sur un magazine porno, en plein milieu du cours! Ikuyo s’en donne également à coeur joie, se moquant régulièrement de la forme ou de la taille du pénis de son petit frère. Les adolescents sont sexuellement frustrés, et on peut les voir se désespérer d’avoir intégré un lycée masculin, ne sachant où donner de la tête pour pouvoir se soulager. Toshi est un personnage plutôt mature et débrouillard, il aime traîner avec ses deux amis, plus innocents (et en manque) que lui. Parfois, il arrive à Toshi de gronder son engin alors en pleine érection (le reprochant par exemple d’être indécent, la blague!), ou de manquer le repas de midi face à des camarades de classe fétichistes qui se disputent son bentô préparé par sa soeur…

Kawa-Yori-mo-Nagaku-Yuruyaka-ni-bunko
édition intégrale bunko

Le rythme du manga est lent, un peu comme son titre l’indique. Akimi Yoshida se plaît à brosser cette galerie de personnages tous sympathiques mais aussi turbulents. En dehors de l’humour cochon (et con), on peut aussi y entrevoir des personnages blessés par la vie. Kawa Yori… a donc un goût doux amer malgré ses moments comiques (et cons, disons le). C’est le cas notamment de Toshi et Ikuyo, frère et soeur solidaires mais indépendants ayant choisi de vivre ainsi car ils refusent de vivre avec leur père. C’est aussi le cas de Miyuki sur qui on en apprend plus sur la fin, qui vit dans une famille aisée dont le père semble être un homosexuel refoulé ayant fait fortune par des moyens immoraux. C’est d’ailleurs sur une très belle scène que se termine le manga, montrant une amitié solide entre Toshi et Miyuki, annonçant les beaux moments entre Ash et Eiji dans Banana Fish. C’est donc un univers légèrement désabusé que décrit Akimi Yoshida, et une ambiance ne correspondant pas à celle d’un simple adolescent, notamment le travail d’appoint de Toshi qui se déroule dans le monde de la nuit. Akimi Yoshida ne s’embarasse pas avec les tabous, parle de sexualité (Toshi et Midori), de capotes mais aussi de canabis (épisode assez marrant par ailleurs) et surtout, de relations entre gaijins et japonaises, au travers de « Popeye » et Ikuyo. Il est étonnant de voir paraître dans une revue à destination d’un public féminin un manga aussi peu glamour. Le trait reste très simple, allant à l’essentiel, comme je l’apprécie tant chez elle, même si certains pourront le trouver laid.

Les Etats-Unis ne quittent décidément pas Akimi Yoshida. Alors qu’elle s’est fait remarquer par sa précédente série en 8 volumes, California Monogatari qui se déroulait en Californie, elle revient avec Kawa Yori… dans lequel Toshi et Ikuyo travaillent dans un bar fréquenté par de nombreux Américains, permettant à Toshi de pratiquer l’anglais. Enfin, sa grande série, Banana Fish, se déroule à New York, et son autre grande série d’action, Yasha, fait le pont entre les Etats-Unis et le Japon (le héros ayant grandi aux Etats-Unis et revenant au Japon par la suite). Autre élément très présent dans les manga de Akimi Yoshida, la sexualité, qu’elle s’intéresse à l’adolescence ou qu’elle écrive un thriller. L’inédit, ici, c’est qu’elle est régulièrement tournée en dérision, notamment grâce à un établissement rempli de mecs en manque. Dans le volume 1 de Kisshô Tennyo, Toshi et Miyuki apparaîtront comme caméo, commentant la beauté d’un nouvelle élève (qui n’est autre que Sayoko, l’héroïne).

Enfin, Akimi Yoshida joue avec le boys love dans cette série, notamment en donnant à Kubota le prénom féminin de Miyuki. Il y a aussi certains chapitres bonus dans lesquels Akimi Yoshida aime à donner des informations sur Toshi, qui était paraît-il, au collège, un garçon bien mignon et très innocent que beaucoup d’aînés trouvaient mignon (si ce n’est pas suspect). Dans le volume 2, on voit un kohai de Toshi, mignon et innocent, et notre héros semble succomber. Yoshida s’amuse avec Toshi en le déguisant en lycéenne au détour d’un chapitre, ou en rassemblant dans les rôles principaux de l’adaptation théâtrale de Belle au Bois Dormant Toshi et Miyuki, ce dernier jouant bien entendu la princesse. Dans certaines scènes, des dialogues avec de lourds sous-entendus sexuels ont lieu entre Toshi et Miyuki, Yoshida profitant de ce prénom à consonnance féminine. Yoshida jouera un peu avec le boys love sur Banana Fish, mais encore plus dans Yasha qui regorge de bishônen.

Un manga sur la vie, sur l’adolescence, au ton comique mais triste, parfois mélancolique, avec des drames personnels, et beaucoup de sobriété. C’est une oeuvre très réussie et assez unique: du quotidien agrémenté de blagues graveleuses par des lycéens en manque de sexe, bien qu’un brin anecdotique. Une série que je recommande à tous les  fans de Akimi Yoshida, ou aux amateurs de récits sur l’adolescence. Certaines planches sont hilarantes, j’aime beaucoup l’humour de Akimi Yoshida. Enfin, les couvertures de l’édition normale sont vraiment très laides, non?

Toshi et Kubota de Kawa Yori mo Nagaku Yuruyaka ni
Toshi et Kubota dans Kisshô Tennyo
kawa_yori_mo_nagaku_yuruyaka_ni_ch7_pg206
Comment ça des dialogues douteux?
kawa_yori_ch4_p117
Oui, il y a bien chapiteau ^^ ! C’est beau la jeunesse.

5 réflexions au sujet de “Kawa Yori mo Nagaku Yuruyaka ni”

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