bandes dessinées

Le bleu est une couleur chaude

N’ayant pas écrit depuis quelque temps ici, j’ai un peu de mal. Je vais surtout tenter de trouver les mots avant tout, ce qui en résulte un texte assez peu inspiré. Mais trêve de flemme, l’ennemie numéro 1 de notre siècle.

Le matin où je lis Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, j’apprends le soir même que Kechiche remporte la Palme d’Or pour La vie d’Adèle (je n’avais pas fait le lien au départ, jusqu’aux extraits montrant une fille aux cheveux bleus et une histoire d’amour entre deux jeunes femmes, d’ailleurs, il me semble qu’on parle beaucoup moins de l’homosexualité féminine que de l’homosexualité masculine dans les média, avec ou sans clichés). Je ne m’intéresserai pas ici à la polémique autour de cette Palme d’Or (et sinon moi aussi j’ai été un peu choquée à l’idée que la BD soit si peu mentionnée), mais à la bande dessinée même. Julie Maroh inscrit son récit à Lille, dans les années 90. Clémentine est une adolescente comme plein d’autres, partageant sa vie entre le lycée, les amis et le beau Thomas, en classe de Terminale, qui veut sortir avec elle. Alors qu’elle accepte de construire quelque chose avec lui, Clémentine croise en ville une fille aux cheveux bleus qui l’intrigue, lui faisant découvrir des désirs jusque là enfouis. Le nom de cette jeune femme charismatique est Emma.

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Le récit constitue un flashback raconté par Clémentine, au moyen de son journal intime remis à Emma par ses parents. Car dés le départ du récit, on sait qu’on plongera dans une ambiance triste, et c’est donc ainsi que j’ai terminé la lecture de cet album, avec un goût pas très agréable dans la bouche. L’ambiance est très nostalgique, s’inscrivant dans les années 90 (oui, celles du siècle dernier), ce qui m’a valu un coup de vieux (deuxième goût amer dans la bouche!) en voyant Clémentine se rendre à la manifestation contre le plan Juppé, ou lorsqu’elle fait un baby foot avec ses amis, au café du coin (je n’y allais pas, mais j’y voyais pas mal d’élèves du lycée s’y rendre pour réviser, discuter entre potes, café qui fait un peu ringard aujourd’hui). Hormis ces divers retours à la réalité, la narration est immersive, le lecteur (ou la lectrice) suivant le journal de Clémentine. Le présent est en couleurs, tandis que le temps du lycée est en noir et blanc, sauf la couleur bleue qui symbolise l’être aimé. Le travail sur les couleurs est magnifique, et le dessin de Julie Maroh est très beau et plein d’expressivité. Ca fait du bien de lire une bande dessinée sur l’adolescence en France, alors que je lis surtout du manga (référentiels de scolarité plus proche, le bac, le lycée sans uniforme tout ça quoi). Mais encore une fois, ça se passe à Lille, comme dans l’excellente série Celle que… de Vanyda.

Julie Maroh est elle-même homosexuelle et milite contre les discriminations qui s’ensuivent lorsqu’une personne choisit une autre voie que celle de l’hétérosexualité, voie considérée encore aujourd’hui comme naturelle. Pour autant, Maroh ne se focalise pas seulement sur cet aspect du rejet de l’autre. En effet, l’histoire d’amour entre Clémentine et Emma est tout simplement belle, toute en tendresse, passion, mais aussi en émotion. Les amateurs et amatrices de belles histoires pleines de sentiments (pas bons sentiments) seront comblés tant Maroh parvient à faire ressentir à son public toute l’émotion de ses personnages. Si Emma est plus marginale (look, aspect légèrement masculin, étudiante en arts, lesbienne), Clémentine est plus banale, plus proche d’une adolescente comme on peut en croiser. Clémentine est une élève moyenne, elle a des amis, alors qu’on pourrait penser, avant d’attaquer le récit, avoir droit à une héroïne marginale.

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L’homosexualité n’est nullement une tare, et le ton est extrêmement juste lorsque Clémentine prend conscience qu’elle n’est pas comme ses copines pour ce qui est de la sexualité. Elle va devoir affronter le regard des autres, va avoir honte, va aussi s’assumer, et tout cela est extrêmement bien retranscrit par Julie Maroh. On sent dans Le bleu est une couleur chaude cette envie de parler à tous (et surtout à toutes je dirais) mais aussi et surtout à toutes les jeunes femmes qui découvriront leur homosexualité. Le bleu est une couleur chaude est donc une bande dessinée d’amour, une chronique adolescente, parlant d’homosexualité, et le tout avec beaucoup d’émotion. Tout est abordé, la famille, les amis (rejet ou solidarité), la complexité des sentiments (le personnage d’Emma, moins fort et décidé qu’on ne peut le croire aux premiers abords), le tout à fleur de peau. Les rares scènes de sexe sont très sensuelles, jamais racoleuses et, à mon sens, très réussies.

Ce qui a pu pécher dans cette bande dessinée, du moins pour moi, ce serait l’attachement aux personnages, Clémentine en particulier, surtout qu’on suit l’histoire de son point de vue. Ensuite, l’autre chose serait peut-être un rythme un peu lent, même si d’ordinaire, ce n’est pas une chose qui me dérange. Peut-être la narration en mode franco-belge à laquelle je suis moins habituée? Enfin, l’ambiance est très triste, et tire par moments, surtout sur la fin, sur la corde sensible. C’est un peu comme ça que je l’ai ressenti, mais à un moment, entre les couleurs assez ternes et mélancoliques puis les évènements eux-mêmes, j’ai trouvé qu’il y avait un peu de « trop », surtout que tout arrive un peu en même temps. Après, je suis peut-être plus du type à apprécier un récit intimiste, mais avec plus de sobriété comme Blue de Nananan, malgré l’émotion suscitée. Le dernier petit reproche que j’ai est sur l’objet même: le livre est en effet très grand, ce qui m’a surprise pour une bande dessinée de 160 pages, mais surtout, je n’ai pas aimé le papier glacé. Je n’aime pas du tout le rendu des couleurs, les refets de la lumière à la lecture, et même, le papier glacé pour ce type de couleurs qui empêchaient d’apprécier pleinement les planches à mon goût. Je me demande pourquoi Glénat n’a pas opté pour du papier mate pour cet ouvrage.

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Hormis tous ces petits soucis très personnels, Le bleu est une couleur chaude constitue un récit qui vaut le détour, et qui parvient de parler de beaucoup de choses, autour d’une histoire d’amour entre deux jeunes femmes. Petit aparté, je me demande si la couleur bleu n’est pas quelque chose qui revient souvent dans les histoires d’amour féminines: Fleurs bleues de Takako Shimura, Blue de Kiriko Nananan, Indigo Blue de Ebine Yamaji et bien sûr, Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh. Je vous invite plus que vivement à lire les chroniques de Morgan sur Aftermangaverse, et celle de Shermane sur Undecorated Wall, bien mieux rédigées et rendant bien plus hommage au travail de Julie Maroh.

bandes dessinées, sinophilie

Le Moine fou

Pour célébrer les 25 ans du Moine fou, Dargaud a sorti une édition intégrale limitée des Voyages de He Pao en format « manga ». Ce fut mon premier contact avec l’univers du Moine fou, contact purement visuel se résumant évidemment à un feuilletage en librairie. Petit aparté, cette édition n’est pas recommandée de mon point de vue car elle ne regroupe que les 4 premiers tomes de la série qui en compte 5 dans sa totalité, sans parler de la différence de format (franco-belge traditionnel). Il s’est avéré finalement que Les Voyages de He Pao est la suite d’une autre série, Le Moine fou. Le Moine fou est une série de Vink avec Cine aux couleurs, sortie entre 1984 et 1999 chez Dargaud comptant 10 tomes dans sa totalité. Une édition intégrale en 2 tomes existe également pour cette série (c’est ainsi que je l’ai lue).

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Vink est Vietnamien et a quitté son pays pour la Belgique. Son inspiration pour Le Moine fou provient de la lecture des romans de Jin Yong, lorsqu’il était au Vietnam. Gros aparté à partir de là. Jin Yong est un auteur très célèbre dans le monde chinois et même dans le reste de l’Asie pour ses romans de wu xia, le cape et d’épées chinois. Le plus célèbre représentant de ce genre dans le monde occidental n’est autre que le film Tigre et Dragon de Ang Lee. Les romans de Jin Yong, auteur culte souvent comparé à un Tolkien du wu xia, sont très adaptés en films ou en séries télé. Pour les traductions françaises, elles se battent en duel, et je n’ai pu lire qu’un seul roman wu xia: Les quatre brigands du Huabei de Gu Long, chez Picquier, que j’ai par ailleurs adoré. La saga Tigre et Dragon de Wang Dulu a été partiellement traduite chez Calmann Lévy (2 tomes sur 5, chaque tome étant divisé par 2 en français, ne pas compter sur la fiche de l’éditeur pour connaître le nombre de tomes prévus). La légende des héros chasseurs d’aigles de Jin Yong a été éditée par You Feng, la traduction du tome 2 se traînant une très mauvaise réputation. On peut aussi ajouter Les aventures de Chu Liuxiang de Gu Long, toujours chez You Feng (2 tomes).

C’est cyclique, j’ai parfois une grande envie de lire du wu xia, mais je ne lis que très peu le chinois. C’est dans un de ces moments que j’ai fini par repenser au Moine fou de Vink. A vrai dire, Les Voyages de He Pao a toujours trotté dans ma tête, mais c’est l’article de Bidib sur Chinaman qui m’y a refait penser. Je ne connais que très peu la bande dessinée franco-belge adulte (dans le format 48 pages, couverture cartonnée et pages en couleurs), et j’ai trouvé intéressant de lire une série de ce type, d’inspiration wu xia, dans des décors chinois, et tout cela bien avant l’influence manga d’aujourd’hui (en particulier sur les productions se déroulant dans un univers asiatique). Et tout ceci m’a encore plus donné envie, lorsque j’ai appris que Vink est un Vietnamien d’outre-mer. A propos de l’édition « manga » des Voyages de He Pao, Dargaud dit ceci sur son site: « D’origine vietnamienne, celui-ci a en effet tout simplement réalisé l’un des premiers mangas franco-belges ! », chose que je réfute complètement, et c’est bien ce qui rend cette bande dessinée si intéressante. Enfin, j’ai appris dans l’édition intégrale que c’est sur une idée de Cine que Vink a fait de son héroïne une adolescente occidentale, pour une meilleure identification du lectorat.

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Synopsis: Le décor du Moine fou est celui de la Chine de la dynastie Song (960-1279 orthographié Sung dans le premier tome) dont les frontières sont affaiblies, le territoire étant constamment envahi par les Jins également appelés barbares. He Pao (Joyau du Fleuve) est une jeune adolescente de 13 ans, constamment fagotée comme un garçon et surnommée Petit Barbare. Car elle n’est pas Han (ou Chinoise), c’est une Occidentale orpheline ayant été adoptée par un couple de paysans Hans ne parvenant pas à avoir d’enfant. Petit Barbare va quotidiennement garder les buffles avec les enfants du voisinage et de son âge. Cette petite vie bascule le jour où ses parents adoptifs sont assassinés par un groupe d’hommes fous pratiquant un art martial dangereux: celui du Moine fou. He Pao est alors recueillie par des nonnes bouddhistes itinérantes qui prodiguent des soins sur leur route. Rongée par l’envie de vengeance, celle-ci finit par apprendre l’art martial dangereux du Moine fou: un art martial redoutable mais qui rend petit à petit fou celui qui le maîtrise. He Pao voyage donc dans l’espoir de rencontrer son maître, le Moine fou, mais s’apercevra sur sa route que cet art martial est également très convoîté.

Avis: Ce qui marque au premier contact avec Le Moine fou, c’est le graphisme réaliste de Vink mêlé aux couleurs de Cine. Chaque planche est très belle, et les couleurs confèrent au tout un cachet unique. Les paysages chinois sont particulièrement réussis, surtout les montagnes et la brume. Le décor est donc planté, et l’exotisme tant recherché est donc atteint. Au niveau des personnages, le style est réaliste, les visages asiatiques sont pour le coup réussi. Le reproche que je ferais, graphiquement, est sur l’héroïne, He Pao. Alors qu’elle n’a que 13 ans au début de l’histoire, je trouve qu’elle ressemble beaucoup à une adulte. J’ai même l’impression que cette jeune femme a 25 ans pour tout dire. Au tout début, Vink et Cine ont l’air de se chercher, le premier album ayant par moments des couleurs un peu criardes (mais ceci est peut-être dû à l’impression?) et le dessin étant parfois moins joli. Mais le duo parvient très vite à trouver ses marques, et cela dés le premier tome. Le style est purement franco-belge: pas de lignes de vitesse à tout va, une narration un peu plus lente que dans les comics et manga, un découpage rectangulaire, c’est bien ce que je cherchais. Le dessin est parfois un peu figé.

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Le Moine fou est une bande dessinée qui repose sur son charme exotique avant tout. He Pao emmène le lecteur (et la lectrice) en voyage, avec elle, et sillonne les quatre coins de la Chine pour accomplir sa quête. On la suit même, le temps d’un album, en Corée. Je ne cache pas que j’ai eu du mal à me mettre dans le bain au début de l’histoire: He Pao, rongée par la vengeance et par la soif de puissance, n’est décidément pas attachante ni sympathique. C’est un personnage nuancé, beaucoup moins gentil que ce que j’ai l’habitude de voir dans les histoires d’aventure et d’arts martiaux (après, je lis surtout beaucoup de manga). Par la suite, elle montre un esprit chevaleresque dont tout protagoniste de wu xia est doté. Elle ne s’attache pas non plus aux lois du pays, mais à sa propre morale. La plupart des personnages croisés, comme souvent dans le wu xia, évoluent dans l’univers des arts martiaux, et sont mendiants, vagabonds, bandits, religieux. Ce sont des rebelles qui vivent comme ils l’entendent, tout en étant dotés d’un certain sens de l’honneur. Les aventures de He Pao, à l’image de ce qu’on peut voir dans les wu xia, sont nuancées, pas de bien contre le mal, mais surtout une quête après l’accès à un savoir par trop dangereux. Finalement, il n’y a pas de « méchants » et les alliances à He Pao peuvent parfois être mouvantes. Les compagnons de route se font et se défont: He Pao est accompagnée de Kim Ju, et de Petit Li ensuite. Le rythme est lent, ce qui confère une ambiance particulière à la série qui est hors du temps, m’évoquant le film Touch Of Zen. La narration n’est pas toujours des plus fluides, j’ai même eu l’impression qu’elle se faisait confuse par moment.

L’histoire est faite de voyages, d’aventure et d’arts martiaux. He Pao n’est pas, à partir du moment où elle prend conscience de sa puissance, un personnage en quête de puissance, alors qu’on a l’habitude, surtout par les manga, de voir des personnages devenir de plus en plus forts. He Pao désire plus que tout ne pas finir folle. La puissance et la connaissance sont vécus comme un fardeau pour He Pao. A la fin de la série, le mystère entourant le Moine fou n’est pas complètement résolu, mais He Pao finira par renouer avec ses origines, s’intéressant aussi au nauffrage ayant coûté la vie à ses parents biologiques. La fin reste ouverte, et on quitte He Pao qui continue sa route, tout ceci étant raconté dans Les Voyages de He Pao. Le Moine fou est une série qui se mérite, dans le sens où elle n’est pas accrocheuse telle un blockbuster, méritant un temps d’adaptation. L’exotisme marche très bien, il faut dire que le genre wu xia est déjà en soi exotique, les auteurs (surtout de Taiwan et Hong Kong) ayant écrit au 20ème siècle sur un passé fantasmé, un monde flottant, plein de voyages, de libertés et d’arts martiaux mystiques (personnes qui volent, etc…), dans une Chine continentale qu’ils ont souvent dû quitter. La série a en tout cas bien fonctionné sur moi, et même si sur le coup, je ne l’ai pas ressenti ainsi, je parviens encore à me souvenir de cette atmosphère particulière qui imprègne la série bien après sa lecture.

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Petit aparté: chose curieuse, le neuvième et avant-dernier album, intitulé Le tournoi des licornes, s’intéresse à ce que nous connaissons sous le nom « danse du lion » (littéralement, même chose en chinois), et c’est bien de cela qu’il s’agit puisque l’intrigue se déroule lors du nouvel an chinois. Si quelqu’un sait quelque chose à ce sujet… Peut-être les Vietnamiens appellent cela « danse des licornes »? En chinois, l’animal mythique s’approchant de notre licorne se nomme qilin (ou kirin en japonais, comme la marque de bière).

bandes dessinées, chroniques

Raffington Event – Détective

L’année 2012, en plus d’être chargée en actualité pour Moto Hagio, le fut aussi pour un autre de mes auteurs fétiches, j’ai nommé Andreas. Alors qu’il se montrait assez rarement, Andreas s’est soudainement retrouvé sur le devant de la scéne par son éditeur Le Lombard, et l’année 2012 fut l’occasion de multiples interviews, conférences de presse, d’articles sur le Net, de sorties d’albums simultanées (Intégrale de Rork, série phare de Andreas longtemps indisponible, Rork: Les Fantômes, Capricorne tome 16: Vue de près, réédition de Styx), d’une exposition intitulé Les arcanes d’Andreas au festival du Quai des Bulles de Saint-Malo, également présente à Angoulême avec déplacement de l’auteur.

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C’est aussi l’occasion pour les libraires de faire découvrir aux clients le travail d’Andreas, et de commander des albums plus anciens mais faisant toujours partie du fond des éditeurs, dont Raffington Event – Détective, excellente surprise lorsqu’on rentre du boulot (comme les septs nains). C’est donc un album daté de 1989 (je devais être au CP je savais à peine lire!) que l’on découvre chez le libraire, carrément old school parmi les nouveautés, dans la collection aux bords verts du Lombard Histoires et Légendes, la même qui a vu naître les albums de Rork (je les possède ainsi, ce qui fait son charme), avec son papier mat que j’apprécie tant, faisant si bien ressortir les couleurs.

Raffington Event est un détective privé qui s’occupe essentiellement d’affaires surnaturelles. On a pu le découvrir dans les pages de Rork, notamment au début de la série (tome 1 ou 2?). Raffington Event – Détective est donc un spin off de la série Rork, et si j’en crois le dos de l’album, il est sorti après le tome 4 de Rork, intitulé Lumière d’étoiles. C’est donc l’occasion pour Andreas de changer un peu de registre en écrivant dix histoires courtes et indépendantes (en plein milieu de Rork), avec des sujets divers: un livre maudit, un cauchemar, des extra-terrestres (?), etc… J’ai toujours trouvé en Raffington Event un personnage sympathique, avec son métier de détective privé, son imperméable, mais aussi cette silhouette rondouillarde assez unique. Même si je ne suis pas vraiment amatrice d’histoires courtes, je dois admettre que j’ai craqué pour cet album, et que j’y pensais déjà souvent lorsque je le croisais en occasion (au même prix que le neuf).

En fait, ces histoires courtes font écho aux deux premiers albums de Rork, qui était aussi constitué de telles histoires lors de sa parution dans Tintin, avec un début et une fin, puis des éléments surnaturels. Sauf qu’ici, on a en plus l’ambiance détective, des planches aux couleurs plutôt sombres, plein d’ombres mais aussi un dessin s’apparentant à mes yeux à un style plus franco-belge dans les visages des personnages que dans Rork, et un découpage beaucoup plus classique aussi (pas d’envolées vertigineuses à la Rork dans les angles de vue, on est dans du rectangle, ligne par ligne). En parlant des visages des personnages, le vieux qui s’occupe de son petit potager de salade est un exemple de ce que je vois rarement chez Andreas, c’est un faciès complètement apparenté à la BD plutôt traditionnelle et jeunesse, un peu « gros nez », ce qui m’a « graphiquement surprise ». Néanmoins, toutes les histoires sont amusantes, avec une ambiance très soignée comme sait si bien le faire Andreas, baladant le lecteur jusqu’à une chute parfois surprenante. On se met donc à sourire, très souvent (même quand la mort frappe), à la lecture de l’album. La première histoire, non numérotée (alors que la suite l’est, de I à IX), est en noir et blanc et totalement muette. Notons aussi que les dessins sont très beaux, et les planches comme souvent, captivantes.