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Sakura No Sono

Sakura No SonoSakura No Sono (櫻の園) est un one-shot de Akimi Yoshida constitué de 4 chapitres à l’origine prépubliés en 1985 et 1986 dans le magazine shôjo Lala de l’éditeur Hakusensha (alors que la mangaka est une habituée des éditions Shogakukan). Il existe deux adaptations filmiques de ce manga, une datant de 1990 et l’autre de 2008, toutes deux réalisées par Shun Nakahara.

L’intrigue se situe dans un lycée exclusivement féminin dont le chemin est bordé de cerisiers. Chaque année, la tradition est de célébrer l’anniversaire de la fondation de l’établissement en interprétant par les membres du club de théâtre la pièce La Cerisaie d’Anton Chekhov. Au milieu de ces préparatifs, Akimi Yoshida s’intéresse à 4 élèves (si vous voulez voir leurs têtes…).

Sakura No Sono - Nakano Atsuko

Premier chapitre: Atsuko Nakano sort avec un garçon d’un autre lycée, Shin’ichi Sakata. Celui-ci commence à montrer des signes indiquant son envie de passer à l’acte. Mais Atsuko, elle, semble plus réticente.

Sakura No Sono - Sugiyama Noriko

Deuxième chapitre: Noriko Sugiyama sort avec Shun. Malgré l’image qu’elle renvoie et ses fréquentations, Noriko n’a encore jamais laissé son petit ami l’embrasser. Elle a peur que ça aille plus loin.

Sakura No Sono - Shimizu Yuuko

Troisième chapitre: Yuuko Shimizu est la présidente du club de théâtre. Semblant distante, les autres élèves s’adressent à elle en langage relativement soutenu. Shimizu n’aime pas les hommes et les craint.

Sakura No Sono - Kurata Chiyoko

Quatrième chapitre: Chiyoko Kurata est une des amies de Atsuko. Elle est grande, a les cheveux courts, bref, elle ressemble à un garçon. De plus, elle est populaire parmi les plus jeunes qui l’admirent pour son rôle masculin dans la représentation de l’an passé. En vérité, Chiyoko complexe sur sa féminité et ne se sent pas en confiance lorsqu’on lui demande d’interpréter un rôle féminin.

A l’instar de Lovers’ Kiss Akimi Yoshida s’intéresse ici aux problèmes liés à l’adolescence, mais d’un point de vue exclusivement féminin. Malgré la parution dans un magazine shôjo et malgré le cadre du lycée exclusivement féminin (cliché on ne peut plus courant dans l’univers shôjo), il faut avouer que la sobriété de Akimi Yoshida est toujours d’actualité dans cette oeuvre, et que le ton est plutôt adulte, sans chichi. Les personnages, comme dans Lovers’ Kiss, sont souvent en introspection et sourient assez peu. Les personnages sont peu clichés et paraissent donc très humains dans leurs craintes, leurs questionnements. Il faut aussi ajouter à cela que la sexualité est très présente, notamment la fameuse « première fois » qui est abordé de manière assez datée aujourd’hui, ainsi que les transformations du corps liées à la puberté. Une autre oeuvre dans laquelle la sexualité est très présente chez Akimi Yoshida est Kawa Yori mo Nagaku Yuruyaka ni, où il est souvent question de frustration sexuelle dans un établissement exclusivement masculin. Un autre thème qui semble cher à l’auteure est aussi abordé ici: les apparences sont parfois trompeuses.

Deux des histoires concernent donc des filles qui ne savent pas trop que faire avec leur petit ami. Dans les deux cas, ce sont les garçons qui semblent insister pour avancer dans la relation charnelle avec sa dulcinée. Le premier cas, qui concerne Atsuko, est un peu daté. Il s’agit donc du classique « mon mec veut coucher mais je ne suis pas prête ». On est vraiment dans les années 80 pour le coup, et c’est un peu cliché de voir une nana se refuser à son mec en faisant un peu la sainte-nitouche. En même temps, le mec en question n’est pas non plus dépeint comme un salaud, voire un gros obsédé. La scène où Atsuko se refuse à Shin, lui assénant une grosse baffe, se termine de manière assez peu glamour: Shin court vers les toilettes pour « arranger la situation ». J’ignore si ce type d’humour est courant dans un shôjo, mais j’ai trouvé ça très drôle et carrément décomplexé, et Inoue, à qui Atsuko raconte la situation, finit morte de rire. La question du mariage et des regrets est aussi de mise, au travers de Ayako, la grande sœur de Atsuko, on voit donc que le mariage constitue une forme d’angoisse. C’est donc une histoire qui parle surtout aux lycéennes. La première fois n’est pas dépeinte comme quelque chose de féérique non plus, on n’est pas chez Yuu Watase ou autres shôjo avec un super beau mec.

L’histoire de Sugiyama concerne les apparences. Celle-ci traîne souvent avec des nanas qui aiment s’amuser et draguer. Une rumeur se propage au lycée sur cette petite bande: elles se prostitueraient, ce qui n’est évidemment pas vrai, surtout Sugiyama. Celle-ci a en vérité peur de s’ouvrir aux autres, et aussi à Shun, son copain qu’elle ne laisse même pas l’embrasser, de crainte que ça n’aille plus loin. En fait, on a là une histoire sur les apparences, un peu comme dans Lovers’ Kiss, avec une fille dont on suppose la sexualité libérée alors que ce n’est pas du tout le cas. C’est aussi l’histoire d’une fille qui n’aime pas grand monde, qui est finalement un peu solitaire, même si elle est souvent en bande. Enfin, Sugiyama semble se révolter contre l’injustice liée aux jeunes femmes: pourquoi les hommes auraient le droit de s’amuser comme ils en ont envie, mais pas les femmes?

Shimizu est un peu renfermée. Toujours féminine et douce, elle n’arrive pas à créer de liens d’amitié avec les autres filles de l’établissement. Mais en vérité, elle voudrait se lier à ses camarades, et ne comprend pas pourquoi tout le monde lui parle de manière assez soutenue. Elle semble détester les hommes surtout depuis sa puberté. Car elle a aussi eu de mauvais souvenirs: sa puberté est arrivée plus tôt que d’autres, elle est dotée d’une poitrine plus fournie que la moyenne, et a eu honte de prendre sa serviette hygiénique en allant aux toilettes devant les garçons. Elle aime en secret Kurata, qui ressemble à un garçon, car elle aussi aurait aimé naître ainsi. C’est en défendant Sugiyama de filles qui balancent des rumeurs qu’elle se lie d’amitié avec celle-ci, et qu’elle se confie, qu’elle se libère un peu. C’est ainsi qu’elle avance en tant que femme, sans complexe et sans regret. J’ai aimé son histoire, et le fait qu’elle n’aime pas les hommes, qu’elle complexe sur sa féminité car ce thème est assez rarement abordé au final. Cette honte d’avoir ses règles aussi, et la poitrine qui a poussé trop tôt. Mais surtout, elle a eu ce déclic, une phrase de son cousin, qui l’a traumatisée et lui a fait prendre conscience qu’elle était une « fille ». A travers ce personnage, donc, commence un autre thème souvent présent dans les manga de Akimi Yoshida: l’homosexualité.

Kurata est l’idole du lycée. Mais en vérité, elle est complexée. Elle est troublée le jour où elle aperçoit sur son pupitre un poème d’amour qui lui est adressée. Son costume pour la pièce de théâtre étant trop serré au niveau de la poitrine permet à Shimizu, qui l’a toujours observée de loin, de se rapprocher de Kurata. Car c’est en effet inattendu, mais Kurata, qui ressemble beaucoup à un garçon, est dotée d’une poitrine généreuse, tout comme Shimizu. Au détour de discussions, on apprend donc que Kurata a toujours complexé au sujet de cette apparence masculine. Elle a toujours voulu être jolie un jour, qu’on dise d’elle qu’elle est mignonne. Mais elle est bien trop grande, trop masculine pour cela. C’est une belle histoire que cette amitié et ces courts moments entre les deux jeunes femmes. Pourtant, Kurata a de très belles formes, mais elle les a toujours ignorées par complexe. L’histoire est donc encore une fois liée aux complexes physiques, mais d’une autre manière.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance de ce one-shot. La nostalgie est de mise avec les pétales de fleurs de cerisiers qui virevoltent à chaque page. Mais surtout, j’apprécie les planches, l’atmosphère mature et intimiste, l’introspection et les thèmes du manga. Akimi Yoshida a réussi à écrire un manga intéressant sur l’adolescence au féminin, avec des doutes liés à cet âge flottant. C’est assez rare pour le souligner, mais tout ceci dans un ton mature et plutôt réaliste. Le dessin est sobre, mais hyper daté années 80: les fringues, les coupes de cheveux, ça m’a fait rire plus d’une fois. Et lorsque Shimizu s’affirme avec sa permanente, j’ai envie de dire que non, ça lui allait mieux avant, c’était moins ringard. Enfin, la grande question que je me poserai toujours, c’est le pourquoi de cette tranche. Dans l’édition taïwanaise de China Times Publishing, il y a sur la tranche le visage de Shin, le copain de Atsuko (héroïne de la première histoire) alors que ce sont les jeunes femmes qui sont les héroïnes de ces histoires! N’importe quoi… Enfin, je ne suis pas une grande fan de cinéma japonais, mais je me demande tout de même ce que donnent les adaptations filmiques. Enfin, on peut lire une autre chronique sur le blog d’Okazu.

Sakura No Sono - tranche

En VO
Titre: 櫻の園
Auteure: 吉田 秋生
Editeur: Hakusensha
Prépublication: Lala (1985-1986)

En chinois
Titre: 櫻園
Auteure: 吉田 秋生
Editeur: 中國時報 (China Times Publishing)