bandes dessinées, manhwa

Dokebi Bride #1

Fut un temps où les éditeurs ont tous voulu se lancer dans le manga, ou plutôt dans la bande dessinée asiatique petit format, en passant par les manhwa coréens ou les manhua (que je suppose taïwanais). En 2007, Kymera Comics fait partie de ces éditeurs ayant tenté l’aventure pendant un temps bien bref au travers du label Drakosia par 4 titres: Cynical Orange et Dokebi Bride côté coréen, La Perle du Dragon et The Moon côté chinois (ou plutôt monde chinois, ne sachant pas ce qu’il en est de The Moon, dernier titre sorti en 2008 dans le catalogue de Drakosia). Si les deux titres chinois sont des one-shot, ce n’est pas le cas des titres coréens dont fait partie Dokebi Bride. Cynical Orange aura droit à 2 volumes, et Dokebi Bride s’arrêtera au volume 1. Dokebi Bride est donc un manhwa complètement passé inaperçu.

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Dokebi Bride est la première et seule série de Marley débutée en 2002. Il s’agit d’une publication destinée à un public féminin et qui paraît dans le Wink de l’éditeur Seoul Cultural. Ce magazine a accueilli plusieurs séries de Park Hee Jung (Hotel Africa, Fever, Martin & John), Kye Young Chon (Audition) mais aussi Kitchen – Là où une histoire commence… et L’épouse du Dieu de l’eau édités par Clair de Lune et le célèbre Goong. Dokebi Bride est une série stoppée en Corée du Sud, au volume 6. Si le volume 1 est le seul sorti en France, la totalité de ce qui est disponible en Corée du Sud est sortie chez NetComics. Pourtant, le succès critique était bel et bien présent, Dokebi Bride remportant même le Prix du Manhwa 2004 (oui, oui, le site de Drakosia est encore en ligne!). Je n’en sais pas plus sur ce qui a poussé Marley à stopper sa série, ne lisant pas le coréen.

Dans Dokebi Bride, Marley suit la jeune Seon-Bi (ou Sun-bi dans la version américaine), adolescente dont la grand-mère vient de mourir. Elle est donc contrainte de vivre à Séoul chez son père qui a refait sa vie, alors que Seon-Bi a toujours vécu dans un petit village reculé. La vie de l’adolescente n’a pas été facile, sa grand-mère étant la seule personne qu’elle appréciait, et sa seule famille. Enfant, sa mère est décédée, dit-on possédée par des esprits et complètement devenue folle. Elle-même, comme sa grand-mère, parvient à voir des esprits (les dokebi), elle a hérité du don de chamane de celle-ci. C’est aussi pour que Seon-Bi puisse prendre un nouveau départ dans la vie, sans être la proie d’esprits comme le fut sa mère et elle-même que sa grand-mère tienne à ce que la jeune fille vive à Séoul. Seon-Bi n’est pas de nature très loquace ni sociable, et a toujours eu du mal à se faire des amis. Elle ne se sent pas chez elle à Séoul et pense sans cesse à sa grand-mère, jadis chamane du village.

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Dokebi Bride fut malheureusement passé inaperçu lors de sa sortie en France, je ne l’ai moi-même pas remarqué. Ce n’est que récemment (en 2012?) que j’ai découvert ce titre, de manière assez hasardeuse je dois dire, à travers le regretté Cortège des cent démons. En effet, Dokebi Bride était décrit comme un pendant coréen du Cortège des cent démons, ce qui ne pouvait que m’intriguer vu le culte que je porte au manga d’Ima. Il faut dire que je ne savais même pas que ce titre était sorti en France, et que j’ai bien failli tenter le coup en anglais, jusqu’au moment où j’ai découvert l’existence d’une fiche sur Manga-News. Vu la provenance du titre, petit éditeur, manhwa passé inaperçu, il était évidemment disponible d’occasion à prix très petit (0,50€…), rien à voir avec l’édition NetComics en anglais donc. Pourtant, Dokebi Bride ne méritait pas ce traitement, il est juste sorti au mauvais moment, sans aucune mise en avant (j’ignorais même que Kymera Comics s’était engouffré dans le marché du manga…), parmi de nombreux titres manga, mais aussi manhwa inondant inutilement le marché. Et de toute manière, même Marley n’a jamais terminé sa série, celle-ci s’arrêtant au volume 6.

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Dokebi Bride s’avère assez unique dans son genre. Pour le coup, et je ne suis pas déçue, j’ai eu du mal à y voir un pendant au Cortège des cent démons, seul le côté surnaturel et tranche de vie rassemblant les deux œuvres. Le Cortège des cent démons est un titre à l’humour extrêmement présent (avec beaucoup de second degré) et aux dessins très jolis. Dokebi Bride est beaucoup plus dans l’aspect brut et tradition de la vie coréenne, j’aurais d’ailleurs bien vu ce titre chez Akata, vu les goûts de Dominique Véret pour le chamanisme. Il n’y a que très peu d’humour dans Dokebi Bride, que ce soit de la part de Marley ou de l’héroïne, Seon-Bi. Comme dit plus haut, l’adolescente n’a clairement pas eu une vie facile, que ce soit par son histoire familiale mais aussi par la société, son ascendance chamane étant extrêmement mal vue au village, avec donc rejet à l’école par ses camarades. La jeune fille est donc très solitaire et se rapproche un peu, par cette tristesse, de Natsume du Pacte des yôkai (on en revient donc à Akata). N’ayant pas lu la suite, je ne saurais dire, mais j’espère vraiment qu’elle connaîtra une évolution proche de Natsume, en s’ouvrant aux autres humains et peut-être aux dokebi.

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Dans ce volume 1, Marley se penche surtout sur l’enfance de Seon-Bi aux côtés de sa grand-mère, dans un village de pêcheurs très reculé, en plein déclin, les jeunes quittant cette vie rude pour la ville. C’est donc une vie rurale difficile, avec des traditions qui disparaissent que Marley montre à son public. Rien de très glamour, donc, rien de très léger non plus, le propos étant plutôt sérieux et grave, un peu comme son héroïne Seon-Bi d’ailleurs. Les traditions chamanes sont abordées, au travers de danses, pour apaiser les esprits et dieux protecteurs du village. L’opportunité pécuniaire y est plus ou moins dénoncée, avec les chaînes de télévision s’intéressant aux villages pour en faire quelque chose de superficiel, en négligeant totalement l’aspect plus profond, plus respectueux et plus traditionnel. Les amatrices et amateurs de fantastique seront tout de même comblés lors de ce volume 1, avec quelques apparitions, notamment de dokebi mais aussi un très beau dragon, protecteur du village. Les traditions ont leur poids et pèsent sur la vie des chamanes, comme en témoigne une grand-mère sur laquelle tout le destin du village reposait, avec une tradition de mariage très particulière puisque les chamanes sont tenues d’épouser, si on en croit la vie de la grand-mère Ok-Boun, un dokebi ou esprit protecteur qui l’accompagne donc tout au long de sa vie.

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Mais la profondeur et le sérieux du titre vis-à-vis des traditions n’est pas la seule chose à souligner. L’aspect graphique démentit aussi le côté glamour si souvent associé aux publications à destination d’un public féminin. Le trait de Marley n’est pas « beau » mais plutôt brut, très différent de ce que montrent d’ailleurs les couvertures de la série (surtout sur les volumes suivants). Le dessin est donc assez unique, entre le sunjung manhwa pour les yeux et certaines formes de visage (notamment Seon-Bi) et le manhwa plus dans la lignée de ce qu’avait offert à l’époque Casterman à travers sa collection Hanguk, avec des visages de villageois clairement pas jolis. En ville, Seon-Bi ne se sent pas à son aise, même si elle est toujours aussi solitaire. Les repères ne sont plus les mêmes, la famille n’en est pas vraiment une, plutôt froide, avec chacun faisant sa vie et un père qui n’a jamais été là. Les relations sont donc difficiles, notamment avec la belle-mère qui n’a pas l’air commode. Ce développement fera l’objet d’autres volumes, je suppose, le volume 1 étant très porté sur l’enfance de Seon-Bi.

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Une très belle découverte que Dokebi Bride, que je continuerai sans doute en anglais, malgré ce statut de série stoppée. Seon-Bi s’avère très attachante et clairement sombre, peu attachée aux autres humains, très triste aussi, tristesse moins visible, j’ai trouvé, dans un titre tel que Le Pacte des yôkai. L’émotion est aussi très présente dans ce volume 1, notamment lors des épisodes d’enfance de Seon-Bi aux côtés de sa grand-mère. La cruauté des adultes est difficile à vivre, avec les préjugés transmis aux enfants, préjugés envers ce qui est différent. Le dessin de Marley est parfois un peu maladroit, notamment les yeux un peu trop gros et étranges quand Seon-Bi est petite, pas du tout mignonne, mais ce dessin dégage vraiment quelque chose.

Enfin, je profite de ce billet pour souhaiter un joyeux Noël à tous.

3 réflexions au sujet de “Dokebi Bride #1”

  1. Bonnes fêtes à toi aussi !
    J’ai toujours été persuadée que ça parlait de mariage forcé, sûrement le titre et le fait que je l’ai souvent vu à côté d’autres manwha comme Femmes de réconfort.
    J’aime bien l’héroïne telle que tu la décris. Un jour… Comme pour les 328 518 BD que j’ai en tête.

  2. Merci! Au final, des vœux de Noël qui tombent à l’eau puisque comme le manhwa, ce post est passé inaperçu aussi mdr.

    Je n’ai simplement jamais vu ce manhwa pour ma part, même pas en rayon. Même pas à côté de Femmes de réconfort (je pensais que Dokebi Bride serait plutôt classé avec les manga, vu le format poche). Je viens de recevoir le volume 6 (je veux le 2) en anglais, les couvertures sont vraiment jolies 🙂 .

    L’héroïne est loin de Natsume ou Ritsu. Dans le manhwa, il y a moins le côté kawai, je trouve, et beaucoup moins de bienveillance que dans les manga. C’est mon ressenti après. Dans le Pacte des yôkai ou encore Le cortège des cent démons, on sent que les héros ne sont pas seuls, même s’ils le sont dans leur don. Autour d’eux, il y a toujours des personnes qui leur veulent du bien, qui font un pas pour s’approcher d’eux. Mais dans Dokebi Bride, je trouve Seon-Bi vraiment seule face à tout ça. Il n’y a personne, et même son père l’a quasiment abandonnée. C’est un titre très différent, beaucoup de mal à y voir un pendant…

    En tout cas, si tu es curieuse un jour…

  3. Le dessin m’a l’air percutant et très beau je trouve (personnellement). En plus, l’histoire est intéressante. Même s’il n’a pas eu le traitement qu’il mérite, merci de nous le faire découvrir car ça a l’air d’être un manhwa à lire, quoi qu’il en soit!

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