Si Moto Hagio (萩尾望都) est surtout connue comme pionnière du boys love à travers des titres tels que Le pensionnat de novembre ou Le Cœur de Thomas, elle est aussi célèbre pour ses histoires de science-fiction et ses drames humains (ou plutôt traumatismes familiaux devrais-je dire). A la fin des années 1980, soit après sa plus longue série de science-fiction Marginal (マージナル), Moto Hagio peut enfin s’en donner à cœur joie avec un domaine qui l’intéresse beaucoup depuis 1985: la musique, et plus particulièrement le ballet, avant d’attaquer en 1993 sa série fleuve (17 volumes!) Zankoku na Kami ga Shihaisuru (残酷な神が支配する).
Sources: Wikipédia, l’interview de Matt Thorn donnée pour The Comics Journal, le site hagiomoto.net, le vieux mais excellent site Mangayomi, et le fameux traducteur approximatif que je refuse de nommer. Les images proviennent de hagiomoto.net ou de scans en chinois. Certains manga sont aussi sortis chez l’éditeur taïwanais Sharp Point Press (尖端出版), ce que je signalerai par la suite. Et pour ceux qui se posent la question, je n’ai lu aucun de ces manga.

Cet intérêt pour la musique (que j’étends même à la scène en général) était déjà visible dans Mesh (メッシュ), en prépublication de 1980 à 1984 dans Petit Flower (プチフラワー) de Shogakukan. Cela est également visible dans Gin No Sankaku (銀の三角), qu’on peut traduire par « Le triangle d’argent », où la musique se place au cœur d’une intrigue complexe de science-fiction (prépublication dans SF Magazine de 1980 à 1982). Dans Mesh, les illustrations de la série donnent à croire qu’il s’agit d’une série de danse, entre collants et costumes bariolés. Quant à certains chapitres bonus, on voit Mesh s’exercer à des mouvements de danse. Pourtant, Mesh est une série très sombre, portée sur les liens parentaux, question qui se prolongera d’ailleurs dans La princesse Iguane (イグアナの娘) et Zankoku na Kami ga Shihaisuru. Mesh marque d’ailleurs un tournant dans la carrière de la mangaka pour son thème.

Dans la chronologie établie par le site hagiomoto.net, la période musicale de Moto Hagio débute en 1988 avec le manga Kanzen Hanzai – Faerie (完全犯罪〈フェアリー〉), que Matt Thorn traduit en anglais par The Perfect Crime: Faerie. La chronologie indique que Moto Hagio a rencontré le rockeur Yoshihiro Kai (甲斐よしひろ) après son concert au Budokan en 1985. Après avoir discuté longuement avec lui en coulisse, l’idée de créer le manga Kanzen Hanzai – Faerie se met en place. Seulement, à ce moment-là, Moto Hagio est en plein dans Marginal et doit donc remettre ce projet à la fin de cette série. Matt Thorn qualifie ce one-shot de « musical graphic novel », et Yoshihiro Kai est même crédité sur la couverture du manga. L’intrigue se base sur trente chansons écrites par Yoshihiro Kai. Sur la fiche consacrée à Kanzen Hanzai – Faerie, on apprend la parution de cette histoire dans les numéros de février et mars 1988 du Petit Flower, avec 100 pages à chaque numéro.

La série suivante portant sur le thème de la danse, et plus particulièrement du ballet, se nomme Flower Festival (フラワー・フェスティバル), dont l’histoire s’étalera sur 2 volumes ou 420 pages. Flower Festival est prépublié dans les numéros juillet 1988 à juillet 1989 du Petit Flower. Cette série a également été traduite en chinois sous le titre 芭蕾精靈, en 2 volumes également. D’après le synopsis, la série se passe à Londres dans une école de ballet, avec une histoire d’amour entre adolescents et drames familiaux (révélations, père biologique, etc…).

Le tankōbon Aoi Tori (青い鳥), ou Blue Bird rassemble plusieurs histoires sorties du Petit Flower. Kaizoku to himegimi (海賊と姫君), ou « Pirate et Princesse » paraît dans le numéro de septembre 1989 et occupe 50 pages. Aoi Tori (青い鳥), « L’oiseau bleu », paraît dans le numéro de novembre 1989 sur 50 pages. Rottobaruto (ロットバルト) – Rothbart sur Mangayomi (je pense que ça correspond à ce nom, je n’y parvenais plus avec ces katakana), en 50 pages, paraît dans le numéro de janvier 1991. Juliet no koibito (ジュリエットの恋人), « L’amoureux de Juliette », toujours en 50 pages, sort dans le numéro de mars 1991. Ce recueil a également été traduit en chinois sous le titre 青鳥.





Roma e michi – The Road to Rome (ローマへの道) est une histoire de 200 pages qui sort en un volume. Elle paraît dans les numéros de janvier, mars, mai, juillet et septembre 1990 du Petit Flower. L’histoire est celle de Mario venu à Paris afin de faire carrière dans le ballet. Mario ne sait pas grand chose sur lui, il est né à Rome. The Road to Rome est traduit en chinois sous le titre 夢回羅馬. Un résumé détaillé de l’histoire est disponible sur Mangayomi (en anglais).


Moto Hagio reviendra sur cet univers au travers d’un spin-off consacré au colocataire de Mario, Olivier (nommé aussi Levi). Ces histoires sont rassemblées dans le tankōbon Kansha shirazu no otoko (感謝知らずの男) – que Matt Thorn traduit par An Ungrateful Man – toutes parues dans le Petit Flower. Les histoires sont les suivantes: Kansha shirazu no otoko (感謝知らずの男) en mai et juillet 1991, Ōkami to san-biki no ko buta (オオカミと三匹の子ブタ) soit « Les trois petits cochons » en septembre 1991 et Kuruoshī tsukihoshi (狂おしい月星) en mars 1992. Ce manga est aussi traduit en chinois sous le titre 少年李維的煩惱.



Bravo de continuer à montrer les différentes facettes de l’œuvre de Moto Hagio. Effectivement, on ignore trop que la mangaka n’a pas fait que du shônen-ai, de la SF et du drame familial. Et ainsi, on comprend mieux l’importance de l’auteure dans l’histoire du manga, importance qu’on commence seulement à mieux percevoir.
La faute à qui? 😀 parce que cette partie « danse », je l’avais laissée filer tellement ce type de fiction m’effraie (oui oui chaque fois que des amies parlent de films de danse, je suis contrainte de me taire, c’est peut-être le seul moyen qu’elles ont trouvé 😦 ). Faut dire qu’en plus de ça, je n’aime vraiment pas les justaucorps ou autres body (oui, même les mots font kitsch). Et finalement, je me suis dit que c’était injuste. Je ne me suis malheureusement pas penchée sur la période des années 70. Cette période de ballet n’aura finalement duré que quelques années 🙂 . Une petite pause entre deux grosses séries?
Argh… Cela donne trop envie de les lire !
J’ai un faible pour la danse dans les mangas depuis ma lecture de Swan (1976-81) de Kyoko Ariyoshi. Franchement visuellement, c’est splendide. Résultat, malgré l’interruption de l’édition américaine de Swan, j’ai acheté la suite et fin en japonais, ainsi que Swan – Maia et Swan – Moscou Hen.
Je vais voir si je pars en quête de ces mangas de Moto Hagio ou si je me contente de rêver que l’un d’entre eux va paraître en France. En tout les cas, merci de nous faire découvrir un autre pan de l’œuvre de Moto Hagio.
J’entendais beaucoup de bien de Swan mais la danse enfin tu connais le topo. Sinon, il y a aussi celui de Ryoko Yamagishi en danse qui donne plutôt envie (Terpsichore). Je ne sais pas si les manga de danse de Moto Hagio sortiront, ça n’a pas l’air d’une période extrêmement remarquable. Personnellement, Flower Festival me donne la chair de poule haha. Il y a An Ungrateful Man (le spin-off de The Road to Rome) qui a l’air vraiment bien d’après Matt Thorn. J’ai les scans en chinois, je tenterai d’en parler si je les lis (je m’en mords les doigts, certains étaient à prix ridicule et le coup « danse » m’a vraiment coupé l’envie).
[EDIT] Swan est visuellement splendide sur les phases de danse, vraiment d’accord 😮 !
Cel fait toujours plaisir de découvrir les autres facettes d’un/une auteur.
Les costumes de « La princesse et le pirate » me rappelle ceux du « Corsaire » ou de « Shéhérazade ». J’aime beaucoup le découpage des mouvements, la danse comme la gym (là de suite ça me rappelle « hikaru no densetsu ») rendent vraiment toute l’amplitude du corps humain.
Effectivement, la danse à un léger côté kitsch (pour moi ça fleure bon les années 80′) mais bon, je pense que certains danseurs préféreraient porter un body qu’un costume de cheval comme dans « Parade ».
Je doute qu’ils paraissent en France mais qui sait dans une future anthologie « spéciale danse » 😀
Je ne sais pas pourquoi ça évoque tellement les années 80 la danse. Peut-être les justaucorps, les espèce de chaussettes pour mollets, les couleurs?
Je pense que pour les mangaka, en dehors de l’aspect « girly », il y a cette décomposition du mouvement qui est graphiquement intéressante, d’où un nombre de ces titres plutôt élevé.
N’empêche, l’anthologie spécial danse aurait peut-être un potentiel. Il y a finalement beaucoup de personnes qui ont l’air d’aimer ça, ce qui m’étonne beaucoup xD. Et maintenant, à quand le prochain Moto Hagio?
« Je ne sais pas pourquoi ça évoque tellement les années 80 la danse. Peut-être les justaucorps, les espèce de chaussettes pour mollets, les couleurs? »
C’est ça ! Exactement ça ! Ca doit être le choc flash dance, dirty dancing, Fame…tout ça…un peu un do tres pour faire plus actuel…
Ah bouh que je n’aime pas ce terme « girly ». Je comprends pas pourquoi le fait de mettre des paillettes et du rose ça fait filles ou même pourquoi certain sports seraient plus féminin que d’autres (ça fonctionne aussi pour le masculin). Mais oui on dirait que les auteurs s’éclatent à nous faire des planches de chronophotographie et montrant l’étendue de leur talent pur dessiner le corps humain. Ce qui n’est pas pour me déplaire.
Le thème de la danse peut être très sympa, il faut juste montrer que non c’est pas un truc de « fille » et que les thématiques abordés sont loin d’être niaise. Il y a qu’à voir au niveau du cinéma Blush, les chaussons rouges ou encore les films de Pina Bausch (en fichant à la poubelle des trucs comme « sexy dance »)
Bon après ça peut être délicat de reproduire tout un tas d’émotions qui passent par l’expression corporelle sur des planches n&b en 2D.
J’espère vraiment que l’anthologie encouragera la publication en français d’autres oeuvres de l’auteur qui méritent d’être mise en lumière. Si ça se fait, je serais au RDV 🙂
Rassure-toi, je n’aime pas le terme de « girly » non plus. Mais comme souvent, les gens qui s’occupent des mag de prépu sont des hommes, et que les hommes savent toujours ce qu’il y a de mieux pour les lectrices… d’où mon utilisation de ce mot 😉 .
En danse pas « girly » il y a clairement Subaru 🙂 . Après, en dehors de l’aspect « girly » que je n’aimais pas spécialement quand j’étais plus jeune, je crois qu’il y a la danse tout court qui ne me parle absolument pas.
Pour ce qui est des éditions françaises pour Moto Hagio je croise les doigts. Je serai aussi au rendez-vous sauf si Fantagraphics a fait quelque chose avant. Après, Fantagraphics n’a donné aucun signe de vie concernant Hagio de toute l’année 😦 . Je me demande vraiment si The Heart Of Thomas s’est mal vendu…
Ah le Dicta du patriarcat…c’est vrai que c’est pénible. Mais bon les femmes font aussi très bien dans l’alimentation du bon gros cliché féminin. Je me rappel de livres jeunesses, au contenue intéressant gâcher par une couverture rose dégueulasse avec un titre complètement à côté de la plaque qui n’avait rien à voir avec l’original pour attiré un public bien ciblé. C’est même plus du cliché à ce niveau c’est carrément tromperie sur le marchandise. Tout ça sous l’oeil d’une directrice de publication.
Je pensais justement à Subaru 🙂 Je ne suis pas fan de danse non plus mais si une histoire tient la route et en plus bien racontée, il n’y a aucune raison que je n’accroche pas. Que se soit de la GRS, du patin à glace ou du twirling bâton..
Il faut encourager la publication française ! Pas que je n’aime pas lire en anglais mais un bel ouvrage en français c’est mieux.
Sinon effectivement ça sent pas bon, à moins de préparer une grosse surprise mais bon j’en doute.
Matt Thorn disait « surprise » une fois je ne sais plus quand, lorsque j’avais posté un commentaire sur son blog. Mais j’en doute.
Si les femmes alimentent tant ces clichés, c’est justement parce que dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes, en tant que groupe, dominées et que sous domination, mieux vaut se mettre en concurrence, se dévaloriser les unes les autres et jouer le jeu du patriarcat. C’est malheureux mais c’est ainsi. Certaines femmes ne se rendent même pas compte de cette inégalité et croient qu’aujourd’hui nous sommes « à égalité » mais c’est une pure illusion… Bref.
Les titres jeunesse, les jouets, etc… Beurk. Quoique j’ai vu une pub de jouets qui m’a surprise, peut-être dû au succès de Hunger Games. Mais c’était des jouets pour filles, des arbalètes roses et dans cette pub on voit des filles courir dans la forêt et se faire plus ou moins la guerre en arbalète. Même si les arbalètes étaient roses, je me suis dit que c’était pas mal. La pub montre des filles dehors, actives, libres.
Quant à Subaru, c’est un excellent manga, mais j’ai l’impression d’être vraiment passée à côté. Il y a, en BD, le très plébiscité NAO de Brown qui m’a fait cet effet…
Un excellent article qui m’a permis de découvrir une facette de Moto Hagio plutôt méconnue. Merci ! J’aimerais beaucoup lire ces œuvres qui m’attirent visuellement… et à mon avis, vu ce que la mangaka nous présente dans ses autres séries, ça n’a pas l’air niais du tout (il y a quelques années, j’avais d’ailleurs lu un one shot de Fuyumi Soryo qui traitait de la danse et j’avais bien aimé)
Sinon, une amie m’a prêté des mangas old school que j’ai hâte de lire : Terra e et surtout, A Drunken Dream en anglais. J’ai hâte de m’y mettre ^^
@ bientôt !
Je trouve aussi que Moto Hagio ne fait pas dans le niais je suis d’accord. Même quand ça fait kitsch xD. Je trouve aussi que Fuyumi Soryo s’en sort bien, j’ai beaucoup aimé ses recueils d’histoires courtes malheureusement inédites ici. Soryo semble aimer les groupes de rock, années 80… xD
Bonnes lectures 😀 ! A Drunken Dream présente quelques doublons avec l’anthologie française. Et la démarche de Matt Thorn n’est clairement pas la même que celle de Glénat. En fait A Drunken Dream s’attache surtout à faire une compilation d’oeuvres représentatives de la mangaka à certaines époques, alors que j’ai le sentiment que Glénat a cherché les meilleures histoires courtes. A Drunken Dream fut aussi l’occasion de sortir ENFIN les manga plus sentimentaux de Hagio, alors que dans les années 90, Matt Thorn a opté pour des oeuvres de SF afin d’attirer un public masculin aussi. A Drunken Dream est vraiment très beau, je bave toujours quand j’ouvre ce livre…
Quant à To Terra… j’ai adoré la première moitié, eu beaucoup de mal ensuite avec les pouvoirs psy. Mais j’aimerais beaucoup le relire, d’autant plus que Red Star, de Moto Hagio, en est très proche et que j’ai adoré ce dernier. Mais si tu veux prolonger l’expérience Takemiya, je ne conseille pas trop Andromeda Stories avec Ryu Mitsuse au scénario (un romancier de SF très connu au Japon), c’est une oeuvre très mineure. Je trouve ça dommage, Vertical aurait pu choisir soit une oeuvre de SF de Hagio, soit une autre oeuvre de Takemiya, plus emblématique (quoiqu’il y a beaucoup de séries longues chez elle!).
Bonne année à toi Amadis 🙂 .